Le Cycle du Nouveau Soleil de Teur, de Gene Wolfe

Ombrebourreau

  Séverian, l’apprenti bourreau depuis longtemps arrivé au bout de son époustouflant  périple, se souvient. De tout. Des détails les plus infimes, des compagnons les plus éphémères, des impressions les plus fugaces. Mais le monde mourant de Teur est éminemment complexe, et si Séverian prétend nous raconter avec une exactitude parfaite les détails de son voyage, reste au lecteur à les mettre en perspective pour dégager aussi ce qu’il ne nous dit pas, qu’il ne l’ait pas remarqué ou compris sur le moment ou bien qu’il l’omette sciemment.

  Etre un auteur, ce n’est pas simplement raconter une histoire. C’est avoir un angle, un point de vue, une façon bien à soi de la raconter. Chez Wolfe, cela passe souvent par le biais d’une narration à la première personne ; mais ce qui chez des auteurs moindres est souvent une solution de facilité devient chez lui un véritable tour de force. Que ce soit par leur éducation, leur personnalité ou leurs pouvoirs, les narrateurs de Wolfe présentent toujours une interprétation biaisée des faits, et ce n’est qu’en se plongeant profondément dans leur psyché que l’on pourra tenter de déchiffrer ce qui se passe en réalité. Peut-être son œuvre la plus maîtrisée (ce qui n’est pas peu dire !), Le Livre du Nouveau Soleil constitue une véritable expérience de  lecture, exigeante mais passionnante, au monde comme aux personnages incroyablement fouillés.  Le tout servie par une plume qui, non contente d’être sublime, se permet en plus d’alterner les registres avec un talent constant. Une œuvre et un auteur résolument uniques.

 

 

Science Fantasy